… et parce qu’on ne peut pas se satisfaire de commémorations, fussent-elles, ô combien, nécessaires, il faut y mettre son âme ! Vous trouverez ci-dessous un extrait du long poème écrit par Yitskhok Katzenelson « Le chant du peuple juif assassiné ». Ecrit par son auteur en yiddish, cette oeuvre a été traduite et mise à la disposition du grand public, en 2007 seulement, par les éditions Zulma.
Y Katzenelson est né en Biélorussie. Au cours de l’envahissement de la Pologne par les nazis, il a lutté trois ans dans le ghetto de Varsovie avant d’être arrêté, et envoyé au camp de Vittel . ( Le camp d’internement de Vittel est un camp allemand de détention dans la ville thermale de Vittel dans les Vosges créé par les Allemands en mai 1941 et opérationnel jusqu’à sa libération par les Alliés en septembre 1944. Initialement prévu pour interner des civils britanniques, il servit aussi de camp de transit pour des déportés juifs dont la plupart seront ensuite envoyés en camps d’extermination. Il était constitué d’hôtels réquisitionnés autour du parc, ceinturés par des barbelés. Par ses conditions de détention privilégiées, il servira de vitrine de la propagande nazie.) A Varsovie, Y Katzenelson assiste impuissant au départ de sa femme et de ses deux plus jeunes fils en direction d’Auschwitz où ils seront gazés dès leur arrivée. Par ailleurs, en avril 44, lui et son fils aîné sont déportés vers Auschwitz où ils sont exterminés dès leur arrivée eux aussi…
Dans « Le Chant du peuple juif assassiné », Y Katzenelson exprime toute sa souffrance, son désespoir mais aussi sa révolte « Y Katzenelson met des mots sur l’assassinat d’un peuple et se fait son porte-parole, joint à la parole des plus grands prophètes »
Chante !
Chante, chante ! Prends ta harpe, vide, creuse et légère,
Sur ses cordes fines jette tes doigts pesants,
Cœurs lourds de douleur, et chante le dernier chant,
Chante les derniers Juifs d’Europe sur cette terre.
…/….
Venez tous, de Treblinka, d’Auschwitz, de Sobibor,
De Belzec, de Ponar, venez d’ailleurs encore, et encore et encore !
Les yeux exorbités, le cri figé, un hurlement sans voix
Sortez des marais, des boues profondes où vous gisez enlisés, des mousses putréfiées…
Venez, desséchés, broyés, moulinés, venez, prenez place,
Faites cercle autour de moi, ronde immense, longue sarabande,
Grands-pères, grands-mères, pères, mères portant vos enfants au giron,
Venez, ossements juifs, réduits en poudre et en pains de savon !
Apparaissez, surgissez à mes yeux, venez tous, venez,
Je veux vous voir tous, je veux vous contempler, je veux sur vous,
Sur mon peuple, mon peuple assassiné, jeter mon regard muet, atterré —
Et je vais chanter… Oui… À moi la harpe — je joue !
3-5 octobre 1943
Vous pouvez retrouver ce poème directement sur Youtube à l’adresse suivante : https://youtu.be/6CgdaNXnq3U
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